Addison Wiggin de la Chronique Agora
▪ « Répétez ce mantra sans cesse », suggère Chris Mayer :
« l’économie n’est pas le marché. L’économie n’est pas le marché.
L’économie n’est pas le marché ».
Ça y est, vous vous sentez calme et concentré ? Alors allons-y…
« Jeremy Grantham est un investisseur très en vue », commence Mayer.
« Il a bâti sa réputation sur la finesse de ses prévisions sur les
rendements de diverses classes d’actifs pour la première décennie du
21ème siècle ; aujourd’hui sa société gère des milliards de dollars pour
le compte d’investisseurs ».
« Peut-être est-ce pour cela que tant de gens mettent leur cerveau en mode pause lorsqu’ils lisent ses écrits »…
Hum.
Barron’s, BusinessWeek et Forbes ont respectueusement publié la lettre trimestrielle de Grantham de ce mois, intitulée « Vers une croissance nulle ».
Grantham écrit : « selon nos prévisions, la croissance réelle
américaine sera de 0,9% par an jusqu’en 2030, et seulement de 0,4% à
partir de 2030 jusqu’en 2050″. Pour ses prévisions, Grantham s’appuie
sur l’obscure notion de « produit intérieur brut » (PIB), notion que
nous n’hésitons pas à malmener dans Le déclin du dollar. Au mieux, le PIB est une formule mathématique :
Au pire, cela entretient l’illusion que les économistes pratiquent une science.
« Le concept de PIB est si profondément défectueux », explique Chris
Mayer, « qu’il devrait être entièrement abandonné, comme une relique
d’un autre âge ».
« Prenons cet exemple que donne Bill Bonner : si vous tondez votre
gazon et que votre voisin tond le sien, rien ne s’ajoute au PIB. Mais si
vous embauchez votre voisin pour tondre votre gazon et qu’il vous
embauche pour tondre le sien, le PIB augmente ! »
« Le produit intérieur brut intègre également les dépenses publiques
comme une composante positive. Donc, si l’Etat dépense beaucoup
d’argent, le PIB augmente. Si le gouvernement embauchait beaucoup de
monde pour creuser des trous puis les remplir, le PIB augmenterait et
les économistes se réjouiraient ».
« Le problème fondamental avec le PIB, c’est qu’il s’agit d’une
abstraction. Il ne veut rien dire. Le PIB ne se mange pas, ne se porte
pas, ne se dépense pas. Il ne change pas votre vie ni votre emploi. Un
PIB qui augmente ne signifie pas que vous vous enrichissez. C’est juste
un chiffre avec lequel les économistes peuvent jouer ».
Le fait est que « Grantham ne sait pas ce qui va arriver l’année
prochaine », explique Mayer. « Oubliez 2030. Il ne fait que conjecturer,
comme tout le monde. J’adore la fausse précision du 0,9% et du 0,4% ».
Hum !
« Même si le PIB était une mesure précise de quelque chose de
significatif », observe Mayer, « devrions-nous l’utiliser pour décider
comment et quand investir ? »
« Un jour Buffett a fait remarquer qu’entre 1964 et 1982, le marché
boursier avait stagné alors que le PIB, lui, avait quintuplé. Mais de
1982 à 1998, le marché a augmenté d’un facteur vingt, alors que le PIB a
à peine triplé. Beaucoup de raisons expliquent les mouvements du
marché. Le PIB n’en fait pas partie ».
[Répétez : "l'économie n'est pas le marché".]
« Selon moi, la croissance est ce qu’elle est », conclut Chris.
« Certains pans de l’économie connaîtront la croissance. D’autres la
récession. Je ne m’intéresse pas aux prévisions du PIB — ni à aucune
prévision de ce type d’ailleurs. J’essaie plutôt d’étudier en détail les
opportunités qui se présentent ».
Chris aime citer John Train, le conseiller en investissement
octogénaire : « ne vous inquiétez pas de l’économie ni de la direction
du marché. Achetez plutôt les actions d’une entreprise comme vous
achèteriez une maison c’est-à-dire parce que vous savez tout sur elle »…