dimanche 6 mai 2012

Manipuler l’opinion publique



Liste des procédés utilisés pour manipuler l’opinion selon Noam Chomsky. (Publié dans « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »).

Certains me paraissent être des procédés effectivement utilisés par les politiques


Procéder progressivement Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, graduellement, sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

Agiter l’espoir du lendemain Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-âge ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? «Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celle d’une personne de 12 ans». Extrait de «Armes silencieuses pour guerres tranquilles»

Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

Remplacer la révolte par la culpabilité Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution!…

D’autres ne sont pas des procédés, car ça se fait tout seul et sans effort. C’est là le piège le plus puissant.


Créer des problèmes, puis offrir des solutions Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.
Selon moi, la méthode est plutôt opportuniste. Personne n’a voulu la crise. Elle est une conséquence du dysfonctionnent économique. Mais les entrepreneurs en profitent pour pousser leur avantage sur les salariés. De toutes les façons, ils jouent toujours le même jeu : toujours plus de profit, celui-là même qui conduit aux crises.

L’ignorance et la médiocrité sont malheureusement spontanés

Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser. » Il faut maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise.  « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Encourager le public à se complaire dans la médiocrité,  à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…
Ce qui m’ennui dans ce propos c’est le rejet de la faute sur « le système » dont la population serait la victime. L’éducation gratuite dans nos pays démocratiques tente de tirer la maximum de personnes de l’ignorance et de la bêtise. Le budget consacré à l’éducation est l’un des premiers dans tous les états Européens. Les efforts  à produire pour enseigner sont important et, de nos jours, les enseignants sont souvent en difficulté. On se heurte à une inertie et un refus d’une bonne partie de la population.  Il n’y a malheureusement pas besoin de stratégie à mettre en place, car c’est une tendance spontanée très répandue. Rejeter la faute sur le système  instille une idée fausse, conduisant à déresponsabiliser la population, qui n’en a pas besoin. C’est justement ce contre quoi il faut lutter.  .

Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. 

Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.
Je ne pense pas que cette connaissance soit si avancée que cela, ni que les élites politiques en disposent vraiment ou puissent s’en servir d’une quelconque façon.
En conclusion , je retiendrais de cette manipulation de  l’opinion deux choses : circonstantiellement, elle sert à faire avaler les pilules les plus amères et au long cours cela revient à forger un fond idéologique vague, un sentiment d’incompétence et d’irresponsabilité.