dimanche 20 octobre 2013

Molière, Alceste dans le Misanthrope (1666) : Faison un peu grâce à la nature humaine

Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous moins en peine,
et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
ne l' examinons point dans la grande rigueur,
et voyons ses défauts avec quelque douceur.
Il faut, parmi le monde, une vertu traitable ;
à force de sagesse, on peut être blâmable ;
la parfaite raison fuit toute extrémité,
et veut que l' on soit sage avec sobriété.
Cette grande roideur des vertus des vieux âges
heurte trop notre siècle et les communs usages ;
elle veut aux mortels trop de perfection :
il faut fléchir au temps sans obstination ;
et c' est une folie à nulle autre seconde
de vouloir se mêler de corriger le monde.
J' observe, comme vous, cent choses tous les jours,
qui pourroient mieux aller, prenant un autre cours ;
mais quoi qu' à chaque pas je puisse voir paroître,
en courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
je prends tout doucement les hommes comme ils sont,
j' accoutume mon âme à souffrir ce qu' ils font ;
et je crois qu' à la cour, de même qu' à la ville,
mon flegme est philosophe autant que votre bile.

jeudi 17 octobre 2013

Citation d'un certain Mgr Gaume (1802-1879) sur la révolution

Je ne suis pas ce que l’on croit. Beaucoup parlent de moi, et bien peu me connaissent. Je ne suis ni le carbonarisme qui conspire dans l’ombre, ni l’émeute qui gronde dans la rue, ni le changement de la monarchie en république, ni la substitution d’une dynastie à une autre, ni le trouble momentané de l’ordre public. Je ne suis ni les hurlements des Jacobins ni les fureurs de la Montagne, ni le combat des barricades ni le pillage, ni l’incendie ni la loi agraire, ni la guillotine ni les noyades. Je ne suis ni Marat, ni Robespierre, ni Babeuf, ni Mazzini, ni Kossuth. Ces hommes sont mes fils, ils ne sont pas moi. Ces choses sont mes œuvres, elles ne sont pas moi. Ces hommes et ces choses sont des faits passagers, et moi je suis un état permanent (…)

Je suis la haine de tout ordre religieux et social que l’homme n’a pas établi et dans lequel il n’est pas roi et Dieu tout ensemble ; je suis la proclamation des droits de l’homme contre les droits de Dieu ; je suis la philosophie de la révolte, la politique de la révolte, la religion de la révolte ; je suis la négation armée ; je suis la fondation de l’état religieux et social sur la volonté de l’homme au lieu de la volonté de Dieu ! en un mot, je suis l’anarchie ; car JE SUIS DIEU DÉTRÔNÉ ET L’HOMME À SA PLACE. Voilà pourquoi je m’appelle Révolution ; c’est-à-dire renversement, parce que je mets en haut ce qui, selon les lois éternelles, doit être en bas, et en bas ce qui doit être en haut