dimanche 14 mars 2010

jeudi 11 mars 2010

circulaire n°173-42 de la préfecture de police du 13 juillet 1942

Préfecture de Police C O P I E

—————————
Direction de la

Police Municipale

-
Etat-Major
Bureau - A

S E C R E T


Paris,le 13 Juillet 1942.

CIRCULAIRE N° 173 - 42

à Messieurs les Commissaires Divisionnaires, Commissaires de Voie
Publique et des Circonscriptions de Banlieu.
( En communication à Direction P.J. - R.G. - Gendarmerie et Garde
de Paris).

______________

Les Autorités Occupantes ont décidé l’arrestation et le rassemblement d’un certain nombres de Juifs étrangers.

I - PRINCIPES

1 - A qui s’applique cette mesure ?

a ) Catégories :

La mesure dont il s’agit, ne concerne que les Juifs des nationalités suivantes :

- Allemands
- Autrichiens
- Polonais
- Tchécoslovaques
- Russes ( réfugiés ou soviétiques, c’est à dire “blancs” ou “rouges”)
- Apatrides, c’est-à-dire de nationalité indéterminée.

b) Age et sexe :

Elle concerne tous les Juifs des nationalités ci-dessus, quel que soit leur sexe, pourvu qu’ils soient âgés de 16 à 60 ans ( les femmes de 16 à 55 ans).

Les enfants de moins de 16 ans seront emmenés en même temps que les parents.


Dérogations :


Ne tombent pas sous le coup de la mesure :

- les femmes enceintes dont l’accouchement serait proche
- les femmes nourrissant au sein leur bébé
- les femmes ayant un enfant de moins de 2 ans, c’est-à-dire né après le 1er Juillet 1940
- les femmes de prisonniers de guerre
- les veuves ou veufs ayant été mariés à un non-juif
- les juifs ou juives mariés à des non juifs, et faisant la preuve, d’une part de leurs liens légitimes, et d’autre part, de la qualité de non-juif de leur conjoint.
- les juifs et juives porteurs de la carte de légitimation de l’Union Générale des Israélites de France, carte qui est de couleur bulle ou jaune clair.
- les juifs ou juives dont l’époux légitime est d’une nationalité non visée au paragraphe a)
- les parents dont l’un au moins des enfants n’est pas juif.


-2-


Dans le cas où un membre de la famille bénéficie de la dérogation, les enfants ne sont pas emmenés, à moins qu’ils ne soient juifs et âgés de 16 ans et plus

Exécution :

Chaque israélite (homme et femme) à arrêter fait l’objet d’une fiche. Ces fiches sont classées par arrondissement et par ordre alphabétique.

Vous constituerez des équipes d’arrestation. Chaque équipe sera compos d’un gardien en tenue et d’un gardien en civil ou d’un inspecteur des Renseignements Généraux ou de la Police Judiciaire.

Chaque équipe devra recevoir plusieurs fiches. A cet effet, l’ensemble des fiches d’un arrondissements ou d’une circonscription sera remis par ma Direction ce jour à 21 heures.

Les équipes chargées des arrestations devront procéder avec le plus de rapidité possible, sans paroles inutiles et sans commentaires. En outre, au moment de l’arrestation, le bien-fondé ou le mal-fondé de celle-ci n’a pas à être discuté. C’est vous qui serez responsables des arrestations et examinerez les cas litigieux qui devront être signalés.

Vous instituerez, dans chacun de vos arrondissements ou circonscrip-tion, un ou plusieurs centres primaires de rassemblement, que ferez garder. C’est dans ce ou ces centres que seront examinés par vous les cas douteux. Si vous ne pouvez trancher la question, les intéressés subiront momentanément le sort des autres.

Des autobus dont le nombre est indiqué plus lion, seront mis à votre disposition.

Lorsque vous aurez un contingent suffisant pour remplir un autobus, vous dirigerez :

a) sur le Camp de Drancy les individus ou familles n’ayant pas d’enfant de moins

b) sur le Vélodrome d’Hiver : les autres.

En ce qui concerne le camp de Drancy, le contingent prévu doit être de 6.000. En conséquence, chaque fois que vous ferez un départ pour Drancy, vous ferez connaître le nombre de personnes transportées dans ce camp à l’Etat-Major qui vous préviendra lorsque le maximum sera atteint. Vous dirigerez alors les autobus sur le Vélodrome d’Hiver.

Vous affecterez à chaque autobus une escorte suffisante. Les glaces de la voiture devront demeurer fermées et la plate-forme sera réservée au bagages. Vous rappelerez aux équipes spéciales d’arrestation, en leur donnant lecture, les instructions contenues dans les consignes que vous remettrez à chacune d’elle avant de procéder aux opérations.

Vous leur indiquerez également, d’une façon nette, les renseignements qu’ils devront, après chaque arrestation, porter au verso de la fiche afférente à la personne arrêteé.

Vous ne transmettrez que le 18 au matin :

I° - les fiches des personnes dont l’arrestation aura été opérée

2° - Les fiches des personnes disparues.

3° - Les fiches des personnes ayant changé d’adresse, et dont la nouvelle résidence est connue à moins que cette dernière ne se trouve dans votre arrondissement.



-3-

Enfin, vous conserverez pour être exécutées ultérieurement les fiches des personnes momentanément absentes lors de la première tentative d’arrestation.

Pour que ma Direction soit informée de la marche des opérations, vous tiendrez au fur et à mesure, à votre Bureau, une comptabilité conforme au classement ci-dessus.

Des appels généraux vous seront fréquemment adressés pour la communication de ces renseignements.

Parmi les personnes arrêtées, vous distinguerez le nombre de celles conduites à Drancy de celles conduites au Vélodrome d’Hiver.

Pour faciliter le contrôle, vous ferez porter au dos de la fiche, par un de vos secrétaires, la mention « Drancy ou Vélodrome d’Hiver », selon le cas.

II. Effectifs et matériel

A. Dispositions générales

Les permissions seront suspendues du 15 courant à 18 heures au 17 courant à 23 heures et tous les cours supprimés jusqu’à la reprise des permissions.

Le service de garde des Etablissements allemands ne sera pas assuré, sauf celui des parcs de stationnement et des garages installés dans les passages souterrains, du 15 courant à 21 heures 30 au 17 courant à 21 heures 30, sauf quelques rares exceptions dont vous serez seuls juges.

En conséquence, les renforts fournis habituellement pour ce service spécial ne vous seront pas envoyés.

De cette situation, il résulte que chaque arrondissement peut sans difficulté affecter à la constitution des « équipes spéciales » 10 gardiens par brigade de roulement et la brigade D au complet, sans que le service normal de l’arrondissement en soit affecté, assuré qu’il sera par le reste de la brigade de roulement (dont l’effectif, du fait de la suppression des permissions, correspond au moins à son effectif habituel).

Les gardiens désignés pour constituer les équipes spéciales seront exemptés de leur service normal d’arrondissement à partir du 15 courant à 16 h. ils assureront à nouveau leur service habituel à partir du 17 courant à 23 heures.

Ceux qi (sic) prendront la surveillance des établissements allemands le 17 courant à 21 h.30 devront être libérés de tout service dans l’après-midi du même jour.

B. Equipes spéciales d’arrestation

I. Renforts les 16 et 17 juillet

Les services détachant les effectifs ci-dessous indiqués devront prévoir l’encadrement normal, les chiffres donnés n’indiquant que le nombre des gardiens. Les gradés n’interviendront pas dans les arrestations, mais seront employés selon vos instructions au contrôle et à la surveillance nécessaire.




Page 4 (format pdf, s’agissant d’un tableau)

- 5 -

2 – Horaire de travail des équipes spéciales.

Les inspecteurs et gardiens constituant les équipes spéciales d’arrestation prendront leur service au Central d’Arrondissement désigné, le 16 courant à 4 heures du matin. Ils effectueront leur service :

1°- le 16 de 4 heures à 9 heures 30 et

de 12 heures à 15 heures 30

2°- le 17 de 4 heures à 13 heures.

C – Garde des centres primaires de rassemblement et accompagnement des autobus

1Renforts des 16 et 17 Juillet :

Pour leur permettre d’assurer la garde de leurs centres primaires de rassemblement et l’accompagnement des détenus dans les autobus, les arrondissements les plus chargés recevront, en outre, les 16 et 17 Juillet les renforts suivants :

2me Arrt : 15 Gardes à pied

3me - : 30 Gardiens de la CHR

4me - : 15 - des Cies de Circulation

5 - de l’Ecole Pratique

25 Gardes à pied

5me - : 10 -

9me - : 15 -

10me - : 10 Gardiens de l’Ecole Pratique

30 Gardes à pied

11me - : 10 Gardiens de l’Ecole Pratique

10 - des Cies de Circulation

40 Gardes à pied

12me - : 10 -

5 Gardiens de l’Ecole Pratique

13me - : 10 Gardes à pied

5 Gardiens de l’Ecole Pratique

14me - : 10 Gardes à pied

5 Gardiens de l’Ecole Pratique

15me - : 10 Gardes à pied

16me - : 10 Gardes à pied

5 Gardiens de l’Ecole Pratique

17me - : 10 Gardes à pied

18me - : 25 Gardiens des Cies de Circulation

15 Gardes à pied

19me - : 20 Gardiens des Cies de Circulation

15 Gardes à pied

20me - : 30 Gardiens des Cies de Circulation

30 Gardes à pied

2 – Horaire :

Les renforts destinés à la garde des centres primaires de rassemblement et à l’accompagnement des autobus prendront leur service au Central d’Arrondissement désigne le 16 courant à 5 heures du matin.

Ils assureront leur service les 16 et 17 Juillet :

Equipe N° 1 de 5 heures à 12 heures


- 6 -
Equipe n° 2 de 12 heures à fin de service
En ce qui concerne les effectifs de la Garde de Paris, la relève aura lieu au gré du commandement.
D – Circonscriptions de Banlieue.
Toutes les circonscriptions de banlieue, sauf celles des Lilas, de Montreuil, Saint-Ouen et Vincennes, constitueront leurs équipes spéciales d’arresta-tion, assureront la garde de leurs centres primaires de rassemblement et d’accompa-gnement, à l’aide de leurs propres effectifs.
En ce qui concerne le matériel, celui-ci vous sera envoyé après communications des chiffres aux appels généraux, de manière à organiser des itinéraires de transfé-rement.
Suivant l’horaire et les dates fixées pour Paris, chapitre B, paragraphe 2, les renforts suivants seront fournis:
– SAINT-OUEN : 20 gardiens en tenue et 12 gardiens en civil fournis par le 2ème Division sur ses effectifs de banlieue.
– LES LILAS : 20 gendarmes et 14 gardiens en civil de l’Ecole Pratique
– MONTREUIL : 25 gendarmes et 18 gardiens en civil de l’Ecole Pratique
– VINCENNES : 15 gendarmes et 9 gardiens en civil de l’Ecole Pratique.
Dans les Circonscriptions des Lilas, Montreuil et Vincennes, les Commissaires commenceront les opération dès 4 heures du matin avec leurs propres effectifs et les gendarmes, et recevront les gardiens en civil de l’Ecole Pratique par le pre-mier métro : c’est à dire aux environs de 6 heures 15.
E – Matériel :
La Compagnie du Métropolitain, réseau de surface, enverra directement les 16 et 17 Juillet à 5 heures aux Centraux d’Arrondissement où ils resteront à votre dispo-sition jusqu’à fin de service :
– Ier Arrdt : I autobus
– 2ème - : I -
– 3ème - : I -
– 4ème - : 3 -
– 5ème - : 3 -
– 6ème - : I -
– 7ème - : I -
– 8ème - : I -
– 9ème - : 2 -
– 10ème - : 3 -
– 11ème - : 7 -
– 12ème - : 2 -
– 13ème - : I -
…/.

-7-


- 14ème - : I autobus

- 15ème - : I -

- 16ème - : I -

- 17ème - : I -

- 18ème - : 3 -

- 19ème - : 3 -

- 20ème - : 7 -

A la préfecture de Police (Caserne de la Cité):

Lorsque vous n’aurez plus besoin des autobus, vous en aviserez d’urgence l’Etat Major P.M.; et, de toute façon vous ne les renverrez qu’avec son accord.

En outre la Direction des Services Techniques tiendra à la disposition de l’Etat Major de ma Direction, au garage, à partir du 16 juillet à 8 heures :

10 grands cars.

Les Arrondissements conserveront jusqu’à nouvel ordre les voiturettes mises à leur disposition pour le service spécial du 14 juillet, contrairement aux instruct—- de ma Circulaire n° 170-42 du 13 juillet.

De plus, de 6 heures à 18 heures, les 16 et 17 juillet, un motocycliste sera mis, à la disposition de chacun des : 9ème, 10ème, 1-ème, 18ème, 19ème et 20ème Arrdts.

F – Garde du Vélodrome d’Hiver

La garde du Vélodrome d’Hiver sera assurée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieu- par la Gendarmerie d . la Région Parisienne et sous sa responsabilité.

G – Tableau récapitulatif des fiches d’arrestations :

1er Arrdt 134- : Asnières 32

2ème Arrdt 579- : Aubervilliers 67

3ème Arrdt 2 .675- : Boulogne 96

4ème Arrdt 2 .401 - : Charenton 25

5ème Arrdt 414- : Choisy-le-Roi 8

6ème Arrdt 143- : Cliohy 62

7ème Arrdt 68- : Colombe 24

8ème Arrdt 128- : Courbevoie 34

9ème Arrdt 902- : Gantilly 95

10ème Arrdt 2 .594- : Ivry-sur-Seine 47

11ème Arrdt 4. 235- : Les Lilas 271

12ème Arrdt 588- : Levallois 47

13ème Arrdt 563- : Montreuil 330

14ème Arrdt 295- : Montrouge 34

15ème Arrdt 397- : Neuilly-sur-Seine 48

16ème Arrdt 424- : Nogent-sur-Marne 50

17ème Arrdt 424- : Noisy-le-sec 45

18ème Arrdt 2. 075- : Pantin 93

19ème Arrdt 1. 917- : Puteaux 38

20ème Arrdt 4. 378- : Saint-Denis 63

: Saint-Maur 45

…/…


-8-

Saint-Ouen 261

Sceaux 37

Vanves 52

Vincennes 153


Le Directeur de la Police Municipale

HENNEQUIN

mercredi 10 mars 2010

Prison

JORF n°0004 du 6 janvier 2009 page
texte n° 80

RECOMMANDATION
Recommandation du 24 décembre 2008 relative à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône

NOR: CPLX0831333X



La maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône, établissement pénitentiaire, a été visitée par cinq contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté du mardi 23 septembre au jeudi 25 septembre 2008.

Les constats opérés lors de cette visite ont donné lieu à un premier rapport communiqué au directeur de l'établissement le 7 octobre 2008. Celui-ci a répondu par courriers du 14 octobre puis du 4 novembre 2008.

Le rapport complet de la visite a été communiqué pour observations, d'une part, à la garde des sceaux, ministre de la justice, d'autre part, à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative le 27 octobre 2008. La ministre de la santé a fait connaître sa réponse par lettre en date du 11 décembre suivant ; la garde des sceaux a répondu le 17 décembre. Ces réponses seront annexées au rapport.

A la suite de cette procédure, et conformément à la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques les recommandations suivantes :

1. L'établissement a mis en œuvre un « parcours individualisé » des détenus. Cette initiative paraît à première vue positive. Elle se rapproche des objectifs des règles pénitentiaires européennes (règles 103.2 à 103.4) et du « parcours d'exécution de peines » que comporte le projet de loi pénitentiaire (article 51), actuellement soumis au Parlement. Tel qu'observé localement toutefois, ce « parcours » consiste à opérer un tri parmi les condamnés, en proposant une évolution à certains d'entre eux et en laissant les autres sans espoir d'amélioration de leur sort. Les premiers sont gratifiés d'un « contrat » quelquefois bien réel, mais parfois aussi vide de tout contenu (ni engagement du détenu, ni activité offerte par l'administration) ; les seconds n'ont aucune proposition de projet ou d'activité. L'illusion du « parcours » peut donc se traduire en définitive par une pure et simple ségrégation entre les différents bâtiments ou étages de l'établissement, avec les détenus susceptibles d'évolution au cours de leur incarcération et ceux qui seront laissés pour compte de manière souvent irréversible durant tout leur temps de détention, dans une coursive réputée difficile pour eux comme pour le personnel pénitentiaire. Les modalités d'affectation des surveillants aggravent encore le phénomène, en réservant le volontariat aux secteurs offrant aux détenus un « parcours », ce qui comporte le risque de placer le personnel, lui aussi, dans un dispositif de séparation injustifiée.
Si des projets adaptés à chacun peuvent être mis en œuvre en détention, ce n'est qu'à la condition qu'un cheminement bien réel soit proposé à tous les détenus sans exception et que les moyens correspondants soient dégagés.

2. La possibilité de recours des détenus contre des décisions qui leur sont applicables apparaît insuffisamment développée : les lettres en la matière peuvent être ouvertes par celui dont on se plaint ; leur acheminement n'est pas garanti ; elles peuvent demeurer sans réponse. Certes, beaucoup sont vouées à l'échec, certaines sont abusives. Mais, même maladroite ou erronée, la demande du détenu ne saurait être ignorée. Faute de quoi, le recours à la protestation désordonnée, violente, est inévitable à court ou moyen terme ; en effet, l'absence d'écoute le justifie aux yeux des intéressés.
Tout détenu a droit au recours hiérarchique, comme le rappellent à leur manière les règles pénitentiaires européennes (règle 70.1) ; il doit avoir les moyens de l'exercer. A cette fin, les éléments matériels pour user de ce droit doivent être procurés au détenu (y compris à celui qui ne sait pas écrire) ; la lettre doit parvenir directement à son destinataire ; la confidence nécessaire doit être respectée ; une réponse motivée doit être donnée. Des efforts substantiels doivent être réalisés sur ce point.

3. En lien avec la recommandation qui précède, on constate que les directeurs d'établissement et leurs adjoints assurent dans des conditions difficiles une tâche très lourde, qui implique la gestion des personnels, les charges matérielles de la détention, la concertation des personnes qui interviennent en prison et bien entendu le bon accomplissement des missions qui incombent à l'établissement dont ils ont la responsabilité. Cette multiplicité ne doit pas toutefois les détourner de l'essentiel : la bonne connaissance de la détention et des personnes qui s'y trouvent. Ils ne peuvent s'en remettre sur ce point au seul encadrement supérieur de la détention (chef de détention et officiers). Il importe qu'ils possèdent une vue approfondie des détenus et qu'ils prodiguent aux personnels le soutien dont ceux-ci ont besoin.
Il est donc nécessaire que l'emploi du temps des responsables d'établissement leur permette de passer du temps en détention, de recevoir ceux des détenus qui le souhaitent en audience, de répondre à leurs demandes écrites et, plus généralement, d'avoir une connaissance précise et renouvelée des personnes incarcérées dans leur établissement Le garde des sceaux en convient, qui a demandé, selon ses indications, aux directrices adjointes de l'établissement visité de renforcer leur présence en détention.

4. Comme l'a démontré dans l'établissement visité une violente rixe survenue le 31 août dernier, opposant plus d'une quinzaine de détenus, les cours de promenade sont les lieux de tous les dangers : menaces, rackets, violences, jets de projectile, trafics... Elles sont le réceptacle de toutes les tensions et toutes les frustrations, d'autant plus vives que les détenus sont massivement privés d'activités. Le personnel ne s'y introduit jamais avec eux et surveille ces cours depuis des postes avoisinants ou par vidéosurveillance. Elles constituent paradoxalement un espace dépourvu de règles dans des établissements soumis à des normes multiples et incessantes. Elles sont, en quelque sorte, abandonnées aux détenus, qui considèrent volontiers la cour comme un exutoire au confinement en cellule et comme un marché, substitut aux privations. En cas de rixe ou d'agression, il faut attendre que les détenus aient réintégré le bâtiment pour reprendre le contrôle de la situation. Les conséquences en sont triples : le plus fort impose sa loi ; des blessures graves sont fréquemment constatées ; bon nombre de détenus refusent d'aller en promenade, de peur des agressions. Et les coupables d'infractions sont loin d'être toujours sanctionnés.
Cette situation doit évoluer. Il ne peut être admis qu'un agent de l'administration, quel qu'il soit, soit exposé à des risques inconsidérés. Leur protection est un impératif pour le Contrôleur général. Mais la reconquête des cours de promenade, qui ne peut se concevoir que comme un processus de longue haleine, doit être recommandée comme un objectif de l'administration pénitentiaire. Progressivement, dans certaines hypothèses, dans certains établissements, jusqu'à s'appliquer en toutes circonstances et en tous lieux, les surveillants, en effectifs suffisants, comme d'ailleurs tout autre acteur, doivent coexister dans tous les espaces avec les détenus. La cour doit redevenir ce pourquoi elle est faite : un lieu de promenade, c'est-à-dire de détente, de sociabilité ou de possibilité de rester seul. Cette recommandation est inséparable des recommandations 1 et 2 ci-dessus.

5. Pour diminuer les chances de réception des projectiles venus du dehors, précisément, mais aussi les jets de détritus depuis les cellules, habitude ancrée dans la plupart des établissements, l'administration, logiquement, multiplie, à la place des classiques barreaux aux fenêtres, des caillebotis, sorte de grillages épais et très serrés. Si les jets divers (et le « yoyotage ») peuvent s'en trouver diminués (rarement supprimés), la pose de caillebotis a pour effet de plonger les cellules dans la journée dans une quasi-obscurité, donnant aux détenus une forte impression d'isolement et d'ombre. Ces dispositifs peuvent même avoir pour effet de les priver de toute vision du ciel. Ils aggravent la vie cellulaire déjà difficile ou très difficile, attisent les sentiments dépressifs ou de colère.
Le gain de court terme tiré de la pose de ces éléments est incontestable. Mais il ne doit pas dissimuler qu'il accroît les tensions supplémentaires de moyen et long terme, du fait du sentiment de contrainte et de pression qu'ils engendrent sur les détenus, lesquels, invisibles derrière les caillebotis, sont renforcés dans leur anonymat. Par conséquent, on ne doit pas douter qu'à terme les relations avec les personnels seront encore plus difficiles. Si les problèmes de sécurité et d'hygiène posés par les jets et la communication intempestive avec l'extérieur sont bien réels, il est recommandé de les résoudre autrement (renforcement de l'efficacité des nettoyages et de la collecte des déchets, multiplication des occasions de dialogue ― cf. recommandations 2, 3 et 6 ―, présence dans les cours ― cf. recommandation 4 ―, protections contre les projectiles à la hauteur de l'enceinte extérieure).

6. L'attention doit être attirée évidemment sur les conditions de travail difficiles des personnels. Notamment a été constaté le découragement des personnels d'insertion et de probation (que traduit par exemple la rotation importante des effectifs), symétrique du vif mécontentement des détenus à leur endroit. Surchargés de tâches bureaucratiques et de cas à traiter, singulièrement dans l'établissement des dossiers nécessaires pour les procédures d'application des peines et de sortie de l'établissement, tâches qui ne correspondent d'ailleurs pas aux motivations d'origine de nombre d'entre eux, ces agents délaissent, parce qu'ils ne peuvent faire autrement, deux actions majeures en maison d'arrêt : d'une part, l'écoute et la prise en considération du tout-venant des préoccupations des condamnés, notamment de ceux condamnés à des peines courtes et de ceux en situation de précarité, dont les demandes restent sans réponse dans des délais raisonnables et dont la personnalité est, par conséquent, de moins en moins réellement connue ; d'autre part, les actions en faveur de la population des prévenus, laquelle reste à l'écart (sauf dans l'hypothèse d'une procédure « arrivants », lorsqu'elle existe) de toute intervention sociale efficace.
La prise en charge sociale de la plupart des détenus est défaillante aujourd'hui. Il est recommandé de restaurer, par des effectifs renforcés, par un effort constant d'écoute en détention (cf. recommandation 3) qui vaut aussi pour les conseillers d'insertion et de probation, par une meilleure prise en considération des facteurs personnels dans les commissions d'application des peines, par la réponse aux préoccupations quotidiennes de tous les détenus sans exception, la qualité de cette prise en charge. Il est également recommandé que, comme le personnel de direction, les conseillers d'insertion et de probation soient plus présents en détention, pour pouvoir tout à la fois répondre aux sollicitations et mettre en œuvre (tout autant que suivre) des activités socio-éducatives et culturelles intéressant le plus grand nombre possible de détenus.


J.-M. Delarue

Sur la nécessité de l'avocat

Si le conseil a sauvé quelques coupables, il pourrait arriver aussi que quelques innocents périraient faute de conseil. Entre tous les maux qui peuvent arriver dans l'administration de la justice, aucun n'est comparable à celui de faire mourir un innocent et il vaudrait mieux absoudre cent coupables.

Ce conseil qu'on a coutume de donner aux accusés n'est pas un privilège accordé par l'ordonnance, ni par la loi, c'est une liberté acquise par le droit naturel et qui est plus ancienne que sont les lois humaines

Président Lamoignon (1670) A propos de la grande ordonnance criminelle de 1670.

Notes de Lecture

Toute la ruse des bonnes consciences, bien pensantes et bien nourries, revient à donner au pauvre comme une gracieuseté ce qui lui est dû comme son droit, à lui faire en somme généreusement cadeau de son bien propre...
Le pauvre sera spolié et de plus comme on lui fait croire qu'il n'avait droit à rien, il remercie son voleur. Détroussé et reconnaissant ! Que dites-vous de l'opération ? Une si bonne affaire ne mérite-t-elle pas que le riche jette du lest et au besoin même reprise les guenilles de son mendiant pour être sûr qu'il continuera de vivre déguenillé, l'habit en haillons et le coeur inondé de gratitude ?
Jankelevitch Traité des Vertus p430

Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres.
Alphonse Allais