mercredi 3 avril 2013

Epitaphe du chien (Vincent Bourne 1734)

Fidèle chien-loup du pauvre Irus, je repose ici,
Moi qui veillais sur les pas de mon vieux maître aveugle,
Qui était son guide et son gardien; et tant que dura mon service,
Point besoin il n'eut de ce bâton
Qui maintenant lui sert à trouver son chemin craintivement
Par les grands-routes et les carrefours; mais solidement il plantait,
Conduit en sécurité par ma laisse amie,
Son pied ferme, en avant, pour atteindre
Son humble place sur quelque pierre voisine, où
Le flot des passants se faisait le plus épais;
En des accents passionnés, à voix bien haute,
Du matin jusqu'au soir il leur contait ses malheurs,
Et ne les contait pas en vain à tous; de temps en temps,
Ceux qui avaient le coeur bon et bien disposé donnaient leur obole.
A ses pieds, tout ce temps, je dormais docilement,
Sans dormir dans mon sommeil, mais le coeur et l'oreille
Dressés au moindre mouvement, prêt à recevoir
De sa main bienveillante mes miettes habituelles
Et la portion commune de son festin de rogatons
Puis la nuit nous ramenait à la maison, fatigués et las,
D'avoir mendié toute une longue journée.
    Telles furent mes occupations, mon existence,
Jusqu'au jour où l'âge et une lente maladie m'accablèrent
Et m'enlevèrent à mon maître aveugle.
Mais pour que ne meure point le mérite de si bonnes actions
Tombées dans l'oubli muet de l'océan des ans
Irus a élevé ce petit tertre de gazon sur ma tombe,
Humble monument d'une main qui ne lésina point;
Il porta cette brève inscription en vers pour attester,
Les vertus du Mendiant et de son Chien

Vincent Bourne 1734 (traduction Charles Lamb en 1820)
* Irus est un nom traditionnel de mendiant depuis l'Odyssée