Nos articles font souvent références à la kleptocratie. Littéralement,
la kleptocratie est gouvernement de, par et pour les voleurs.
Souvent cette appellation péjorative est associée à la pratique généralisée de la corruption.
Souvent aussi, on utilise le terme pour désigner l’exploitation par un
groupe de personnes qui détiennent le pouvoir, des richesses naturelles
d’un pays à leur profit. Elles détournent ce qui est un bien public, un
bien commun.
Le sens dans lequel nous prenons kleptocratie est plus proche de cette
seconde utilisation. Bien que la corruption, le népotisme et les
prébendes accompagnent généralement les pratiques kleptocratiques. Le bien commun exploité par les kleptocrates dans le cas présent est la monnaie.
Ceci mérite un petit développement.
La monnaie est un bien commun comme l’air ou comme la liberté individuelle, selon l’heureuse expression de Charles Gave. Elle appartient à tous. Elle ne saurait être captée par un seul et surtout pas par l’Etat et ses complices, Banques Centrales et système bancaire.
La capture, le détournement de la monnaie est une tentation constante en
particulier depuis qu’elle est devenue un outil de régulation
économique. Cet outil est manipulé par la classe kleptocratique à son profit.
Le lien entre la monnaie et les impôts est étroit. Les nations
imposent leur monnaie en leur donnant le pouvoir de libérer de l’impôt.
Notons au passage que l’usage de ce pouvoir ne constitue pas en lui-même
un détournement du bien commun.
Quand l’Etat dépense plus qu’il ne prélève, c’est-à-dire quand il est
en déficit, il s’endette par l’émission de dettes souveraines,
lesquelles, il faut bien le comprendre, sont des titres qui constituent
des promesses de donner de la monnaie plus tard. Un emprunt souverain à 10 ans est une promesse de donner de la monnaie au terme de 10 ans. C’est de la quasi-monnaie
à maturité longue, ce que nous répétons régulièrement en expliquant que
la monnaie, elle, est de la quasi monnaie à maturité zéro, instantanée.
Quand les Banques Centrales distribuent gratuitement, pour rien ou
en-dessous de son prix, de la monnaie et qu’elles le donnent au système
bancaire, pour qu’il achète des emprunts d’Etat, comme c’est le cas
depuis le début de la dérégulation, alors le système kleptocratique de
détournement du bien commun se met en place. Les détournements
commencent. Dans ce système, les monnaies cessent d’être un bien commun,
comme les ressources naturelles dans les pays dominés par des tyrans
malhonnêtes, elles sont accaparées, détournées, pour former et
entretenir la classe kleptocratique.
Revenons à notre fil conducteur.
Plus spécifiquement, nous stigmatisons le système économique, financier
et politique qui est issu de la grande dérégulation des années 80,
dérégulation rendue possible par la coupure du lien entre l’or et les monnaies et l’universalisation des fiat monnaies.
La dérégulation est partie d’un constat, constat très important, mais
qui n’a pas été théorisé par les économistes classiques. Ce constat,
c’est qu’il y a un lien entre le taux de croissance d’une économie et le
taux de croissance du crédit dans cette économie. Ceci a été théorisé récemment par l’économiste australien Steeve Keen, mais auparavant, en l’absence de théorie, il s’agissait d’un constat empirique et de corrélations.
La dérégulation visait à augmenter les possibilités de crédit en
augmentant les fonds propres des banques et leur rentabilité. Le ressort
de la dérégulation, c’est l’enrichissement des banques, c’est le
pouvoir qui leur a été donné de capter le bien commun, la monnaie, pour
attirer à elles les richesses, pour extraire de la plus-value du système
productif.
Le fond de la dérégulation, c’est une opération magique, une opération d’alchimie.
Pour tenter de faire simple, disons qu’elle se réduit à ceci: on
accorde au système bancaire et financier au sens large la possibilité de
prélever, disons 1 unité de surproduit sur la richesse productive ou
sur les ressources des épargnants, cette unité devient leurs bénéfices
et remonte pour augmenter leurs fonds propres. Cet accroissement des
fonds propres, multiplié par le levier d’endettement pratiqué par la
banque, mettons de 12, permet une création de crédit supplémentaire 12
fois supérieure à la somme initiale prélevée sur l’économie productive.
Le fond de la dérégulation, c’est, grâce au détournement du bien
commun qu’est la monnaie, la possibilité donnée au système bancaire de
prélever sur les revenus gagnés par les agents économiques et de leur
rendre sous forme d’un multiple par le biais du crédit. La dérégulation comporte en elle-même, à la fois la spoliation et, en même temps, les germes de l’insolvabilité.
Ce choix a été fait dans le cadre d’un constat de tendance au ralentissement de la croissance auquel il convenait, pensait-on, de s’opposer. Déjà, il s’agissait d’une entreprise dirigiste, constructiviste, d’hommes qui jouaient aux apprentis sorciers, véritables démiurges.
La dérégulation reposait sur la soi-disant indépendance des banques
centrales à l’égard du politique, sur la prééminence des marchés, sur
l’extension de la capacité d’endettement et de ce que l’on appelle
l’effet de levier. L’alchimie de la financiarisation qui a permis
l’émergence de la kleptocratie a réussi le tour de force de transformer
le plomb en or, l’eau des égouts en eau de source. Elle reposait, mais c’était un grand secret, sur la dissémination du risque financier sur le public. Sur la masse des ignorants.
La dérégulation, pour faire simple, conférait, et confère toujours, au
secteur bancaire, quasi bancaire et shadow bancaire le pouvoir
d’augmenter ses profits, ses capitaux propres, sur le dos de l’économie
productive, sur le dos des États, sur le dos des particuliers, sur le
dos des contribuables, sur le dos des épargnants, sur le dos des
investisseurs.
Ce n’est pas un hasard si, juste avant le début de la grande crise de
2007/2008/2009/2010/2011/2012 et des années à venir, le secteur
financier représentait le secteur vedette des bourses, et s’octroyait jusqu’à 40% des profits d’un pays comme les Etats-Unis. Evaluation restrictive qui n’inclut pas les traces de kleptocratie enfouies dans des firmes non financières.
Une classe kleptocratique s’est ainsi formée, basée sur l’exploitation d’un bien commun, la monnaie, à son profit. Avec la complicité des banques centrales que, pratiquement, elles contrôlent et la connivence des gouvernements qui dépendent d’elle pour se financer.
La crise a démasqué la kleptocratie et ses complices. On a vu les
bail out, c’est à dire le sauvetage des banques sur le dos des
contribuables, les taux d’intérêt nuls qui spolient les épargnants, le
transfert des risques des banques sur les Trésors Publics, sur les
Banques Centrales, sur les Institutions de prévoyance, etc. Les
bénéfices sont restés aux kleptocrates, les pertes ont été, sont, et
vont encore plus être socialisées, payées par les citoyens.
La chose financière est chose complexe, très complexe, surtout quand
elle est présentée par et pour les gouvernements. C’est à la faveur de
l’ignorance entretenue, d’un vocabulaire abscons et de contrevérités que le système kleptocratique se maintient.
Tout le monde est complice, les banques, les Banques Centrales, les
gouvernements, les medias, les économistes main street, etc.
De plus, on entretient la confusion, la kleptocratie actuelle, ce n’est
pas le règne de la richesse, ce n’est pas le règne de l’accumulation du
capital de production, ce n’est pas le capitalisme ; au contraire, la
kleptocratie actuelle, c’est le socialisme, le dirigisme connivent,
socialiste, de toute une élite formée de membres des gouvernements,
d’institutions financières nationales, internationales, mondiales et
mondialistes. Nous sommes en présence d’une forme de
socialisme, même pas, surtout pas, d’une perversion du capitalisme
comme tente, pour les besoins de sa propagande, de le faire croire
l’ultra gauche.
La confusion est grave, car elle discrédite le système capitaliste alors qu’il est l’une des principales victimes de la kleptocratie. Elle discrédite l’épargne et la richesse légitimement gagnées, le capital productivement accumulé.
La kleptocratie écrème, « front-run » à son profit les bénéfices du
système économique réel. Exploite au sens marxiste, les épargnants, elle tond le vrai capital.
La confusion est entretenue parce que les grands établissements
kleptocratiques font plusieurs métiers, sains, utiles, honorables, comme
la gestion de fortune, d’épargne, allouent le capital en faveur des
entreprises. Mais c’est l’hommage du vice à la vertu, la réalité étant
que, par le biais de leurs opérations dites de marchés, par le biais de
leur accès à l’argent gratuit et aux liquidités infinies des banques
centrales, ces établissements sont de gigantesques hedge funds qui
spéculent pour leur compte, pour celui de leurs employés et pour celui
de happy few.
Il ne faut pas confondre, nous ne stigmatisons pas les banques privées,
les family office, les gérants d’épargne institutionnelle, les sociétés
de gestion ; non ; ce que nous critiquons et condamnant est à la fois
plus vaste, en capitaux, et plus restreint en nombre de bénéficiaires.
C’est une œuvre de défense de l’intérêt public que de mettre à jour
les pratiques kleptocratiques, l’alliance des Banques Centrales, la
connivence des gouvernements.
C’est une œuvre de protection et de défense de l’accumulation
privée du capital, du vrai capitalisme, des libertés, que de lutter
contre ce qui se fait passer pour un excès du capitalisme, alors qu’il
n’ est que le masque honteux du socialisme.